Punks à 20 ans, à quoi ressemble leur vie à 50 ?
Virginie Despentes voyage à travers les classes sociales et les évolutions de la société française avec le premier volume d’une trilogie qui va s’avérer une œuvre majeure des années 10.
Lors d’un entretien intense, elle nous en livrait quelques clés.
Cette nouvelle année commence en exauçant l’un de nos vœux : on attendait depuis longtemps qu’un écrivain français signe un grand roman sur l’état de notre société, et Virginie Despentes l’a fait avec Vernon Subutex, son septième roman, une trilogie dont le prochain volume sortira en mars et le dernier en septembre. Une formidable cartographie de la société française contemporaine à travers l’itinéraire d’un disquaire (Subutex), obligé de fermer son magasin à cause de la dématérialisation de la musique, qui perdra vite son appartement et devra, avant de finir SDF, demander à chacun de ses amis de l’héberger un temps, devenant ainsi le parfait fil rouge pour nous faire pénétrer dans tous les milieux.
Il y a vingt ou trente ans, ils étaient fans de rock et participaient tous à des groupes punk. Que sont-ils devenus à la cinquantaine ? On passe de l’extrême droite à l’extrême gauche, de l’embourgeoisement à la déchéance, des nantis aux SDF, des hétéros aux gays, tous traités de la même façon par un auteur qui a atteint un niveau de maîtrise sidérant : avec autant de tendresse que d’ironie, car Despentes n’est jamais dupe, tout en restant profondément humaine.Punchlines, mots justes, humour au vitriol sont au rendez-vous d’un roman ultraserré, nerveux, dense, en forme de vrai-faux polar. Parce que Vernon Subutex se retrouve en possession des rushes de l’interview de l’un de ses amis, le seul du groupe à être devenu une star et retrouvé mort dans la baignoire de sa chambre d’hôtel dès le début, tous voudront le retrouver pour s’approprier ces bandes.De quoi nous donner envie de rencontrer celle qui pourrait bien passer, avec ce livre, du statut d’enfant terrible à celui d’auteur majeur de la littérature française. Virginie Despentes nous a reçus chez elle, dans le XIXe arrondissement de Paris. Tutoiement direct, extrême douceur et intelligence fulgurante. L’occasion aussi d’un bilan sur sa vie et la société, vingt ans après la parution de son premier roman-choc, Baise-moi (1994), de l’interdiction (la première en France depuis vingt-huit ans) de son film du même nom en 2000 et de son essai féministe, King Kong théorie (2006).
Comment as-tu commencé à écrire Vernon Subutex ?
Virginie Despentes – J’ai eu l’idée de Vernon en voyant des gens autour de moi se retrouver dans des situations compliquées à la cinquantaine. J’ai eu une expérience de disquaire quand j’étais gamine, et je faisais partie d’un groupe de rock. A l’époque, dans le rock, des gens se sont croisés qui n’avaient rien à voir ensemble. Ils ont changé au niveau social et politique. Il y a des évolutions qu’on n’aurait pas pu prévoir il y a trente ans… J’avais l’idée d’un livre-patchwork qui traverserait toutes les classes sociales. Je me suis rendu compte qu’il serait volumineux alors que j’étais déjà très avancée dans l’écriture. Il faisait 1 200 pages. C’est mon éditeur qui m’a suggéré de le découper en trois tomes.
L’une des questions qui traversent le livre, c’est l’idéalisme inhérent au rock et ce que chacun en a fait vingt ou trente ans plus tard…
La question c’était : “Après ce qu’on a fait à 20 ans, qu’est-ce qu’on est devenu à 45 ?” C’est un vrai truc de vieillir, on me l’avait dit mais je n’y croyais pas. Et le plus dur, ce n’est pas pour soi, mais c’est de voir les autres vieillir. Surtout dans le rock. A 20 ans, ils avaient tous un look, et puis ils l’ont perdu.
Le rock, ça a été une illusion ?
Non, c’était une aventure, et toutes les aventures ont une fin. Ce qui m’intéressait, c’était le rock underground, le hardcore, avant Nirvana. Nirvana est le premier groupe à devenir mainstream, et ça a marqué la fin de quelque chose : la fin du rock et de certaines aventures politiques. Après ça, et surtout début 2000, on a connu un moment de grand vide utopique. Le rock comme mode de vie, dangereux et subversif, ça s’est arrêté abruptement : il n’en reste à peu près rien, sauf du son et des fringues. C’est un peu comme le jazz aujourd’hui : tu peux écouter Coltrane, mais toute l’intensité, les trucs raciaux, la rébellion que ça charriait se sont perdus. Il y avait une sorte de division politique qui existait dans le rock, mais je ne m’en rendais pas compte. Les germes d’une droitisation y existaient déjà, dans son dandysme par exemple, son élitisme, et puis c’était une musique de Blancs.
Nelly Kaprièlian - Les Inrockuptibles ( 2015 )
J'ai adoré ces romans, c'est un coup de cœur
Il existe aussi un coffret réunissant les trois tomes de la série phénomène.
Magistral et fulgurant. Une œuvre d’art. François Busnel, L’Express.
Une saga indignée et désenchantée. Patrick Cohen, France Inter.
Virginie Despentes est une immense romancière. Augustin Trapenard, Le Grand Journal.
Une construction romanesque exceptionnelle. Olivia de Lamberterie, Elle.
Trois tomes addictifs et intelligents. Raphaëlle Leyris, Le Monde des livres.
L’une des fresques les plus marquantes de ce début de XXIe siècle. Marianne Payot, L’Express.