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LÉGENDE D’UNE VIE
DE STEFAN ZWEIG
ADAPTATION ET TRADUCTION CAROLINE RAINETTE
MISE EN SCÈNE ET AVEC CAROLINE RAINETTE ET LENNIE COINDEAUX
VOIX OFF
PATRICK POIVRE D’ARVOR ANNE DERUYTE
NOMMÉ AUX P’TITS MOLIÈRES 2017 DANS LA CATÉGORIE MEILLEUR COMÉDIEN MASCULIN DANS UN 1ER RÔLE
LUMIÈRE : MATTHIEU DUVERNE
PRODUCTION : COMPAGNIE ÉTINCELLE
CORÉALISATION : THÉÂTRE LUCERNAIRE
PARTENAIRES : THEATREONLINE ET DISCMUSEUM
Sujet :
L’effervescence règne dans la maison des Franck pour la présentation publique de la première œuvre de Friedrich, fils du célèbre poète Karl Amadeus Franck, véritable légende portée aux nues par son épouse et sa biographe Clarissa von Wengen.
Écrasé sous le poids de cette gure paternelle, terrifié par le regard sans pitié des bourgeois et intellectuels de la haute société, Friedrich ne supporte plus de devoir suivre les traces de ce père vénéré de tous.
C’est alors que la vérité lui est enfin dévoilée : Karl Franck n’a jamais été ce grand homme que le monde connaît.
La partie obscure et basse de son être a volontairement été cachée, et Clarissa manipulée pour y parvenir.
Le lourd passé de l’écrivain refait surface, anéantissant les non-dits et rétablissant la lumière sur les souvenirs épars d’un fils qui ne demande qu’à aimer à nouveau un père tout simplement humain.
Ce que nous savons les uns des autres ce n’est jamais que par l’amour
Note d’intention de Caroline Rainette, adaptatrice et traductrice Stefan Zweig est l’un des auteurs les plus connus du 20ème siècle, principalement pour ses nouvelles et biographies, moins pour ses pièces de théâtre. Pourtant il en écrivit huit, dont Légende d’une Vie (Legende eines Lebens) parue en 1919. Si le texte original de Zweig est construit en quatre actes et sept personnages, il m’est apparu que certaines longueurs pouvaient en entraver la puissance dramatique. Il était particulièrement intéressant de resserrer l’intrigue sur le fils, Friedrich, pour mettre en valeur l’aspect psychologique du propos, traitant avec force et beauté de sujets intemporels et fondamentaux : les liens familiaux et la construction de l’identité propre de l’individu. Cette version resserrée de l’intrigue a abouti à une adaptation en deux parties (crise identitaire/révélation) et deux personnages sur le plateau. Désormais focalisé sur ces deux protagonistes, eux-mêmes victimes de l’histoire, le texte prend une intensité dramatique puissante, suivant une trame qui se déroule comme une intrigue policière grâce aux procédés de la con dence et de la confession. Deux actes, deux tableaux, mettant magistralement en lumière le changement d’état des deux personnages, leur libération de l’emprise de la société et d’eux-mêmes. Mais tout ceci, avec le désir de rester fidèle à l’écriture de Zweig, dèle à ses choix dans l’utilisation et la mise en forme des mots. Ainsi la traduction a-t-elle été faite en conservant son style, notamment les très nombreuses répétitions traduisant la fébrilité des personnages et le texte de Stefan Zweig est quasi intégral, réparti entre les deux personnages principaux et les deux interventions en off . Ainsi Légende d’une Vie nous transporte dans cette haute société du début du 20ème siècle, Zweig mentionnant lui-même dans sa préface que quelques éléments biographiques des vies de Hebbel, Wagner ou encore Dostoïevski lui avaient servi de modèle. Légende d’une Vie met en scène, à travers un texte uide et des personnages à la psychologie complexe, de nombreux thèmes chers à Zweig : la sacralisation à l’excès de l’artiste, la création et sa liberté, la construction de l’identité d’un individu, la famille et ses secrets, le pouvoir ou encore l’avortement. Nous avons donc ici un texte d’une rare richesse et densité, caractéristique du travail de Zweig, ce « chasseur d’âmes » selon la formule de Romain Rolland, qui n’aura de cesse de tenter de découvrir les secrets enfouis, les grandes passions, de révéler ce qui est caché, de mettre à jour les raisons profondes qui conduisent les individus à tel ou tel comportement. Et c’est tout l’intérêt de la pièce et de son adaptation. En effet, ce qui intéresse Zweig, et on le voit parfaitement ici, c’est avant tout le mystère de l’être humain et plus particulièrement ses contradictions, le jeu entre d’un côté les pulsions, les forces qui le dirigent mais qu’il ne connaît pas, et de l’autre sa réflexion, son action. En effet dans Légende d’une Vie comme dans l’ensemble de l’œuvre de Zweig, une infinité de secrets pèsent sur le héros. Ces secrets seront révélés tout au long de l’intrigue, éclaircissant les comportements des différents protagonistes et leurs contradictions. Comme Zweig l’écrit dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, l’individu est livré « à des puissances mystérieuses plus fortes que sa volonté et que son intelligence ». Ainsi les personnages sont-ils en quête de leur propre identité, Friedrich, écrasé par le poids de la gure paternelle, Clarissa, écrasée par la pression de son employeur et le poids du secret, Maria, Léonore, Karl, eux-mêmes perdus dans leurs solitudes affectives. La parole devient libératrice et la crise possibilité de faire bifurquer, basculer le destin des personnages, dans une perspective tout à fait goethienne du stirb und werde (meurs et deviens). Mais Zweig dénonce également la rigueur du conformisme moral de cette société bourgeoise qui empêche le héros de s’épanouir et dans laquelle les femmes sont les premières victimes. En outre les relations entre les personnes se développent comme autant d’affrontements hypocritement courtois mais en réalité implacables. L’autre n’existe que comme l’objet d’un désir, l’enjeu d’une lutte, en l’occurrence dans la pièce Friedrich contre son propre père. |
Mon avis :
J'avais déjà eu le bonheur de découvrir des pièces de Stefan Zweig :
ce fut donc avec beaucoup d'intérêt que je suis venue découvrir "Légende d'une vie" au théâtre du Lucernaire hier.
J'ai été absolument conquise par cette adaptation simple, épurée mais profonde.
La mise en scène est également simple mais avec des jeux de lumière et un décor qui sait mettre en valeur l'intrigue.
Car c'est cela la force de cette pièce : la force des sentiments humain des deux personnages principaux.
Les comédiens sont parfaits... j'ai eu un vrai coup de cœur pour le jeu et l'intensité de Lennie Coindeaux qui tient son personnage avec beaucoup de subtilité et de nuance sans jamais en faire trop.
Ce fils a un poids bien trop lourd à porter sur les épaules et il va enfin pouvoir vivre sa vie lorsque des secrets de famille vont être révélés.
C'est une très belle pièce, forte et intense que je vous invite à découvrir jusqu'au 26 Août 2018 au Lucernaire.
Compagnie Etincelle - Légende d'une vie - Stefan Zweig
Compagnie Etincelle : faire vivre de grands textes de la littérature ! Théâtre & éditions